La formation de l’île
Il y a environ 6 000 ans le Bassin d’Arcachon n’existait pas. Ce n’était que le delta de l’Eyre, encombré de bancs de sable.
Puis une petite langue de sable, un « tombolo », a été formée au nord par le courant qui descend le long de la côte Aquitaine, effet du Gulf Stream. Au fil des siècles elle s’est allongée et est devenue la presqu’île du Cap Ferret. Les vents de sud-ouest, dominants en période de tempête, ont déplacé des tonnes de sable qui ont comblé les « esteys » entre les bancs du sud du delta, formant ainsi une grande presqu’île.
La constitution et l’évolution de l’ile aux oiseaux reste un sujet d’études, aucune certitude n’existe aujourd’hui : certaines hypothèses reposent sur l’examen de cartes anciennes des XVIe et XVIIe siècle dont on sait qu’elles ne sont pas fiables.
D’après certains, l’estuaire de l’Eyre en devenant progressivement le bassin, aurait détaché des morceaux du territoire de la Teste, formant ainsi des îlots dont le plus important aurait été l’ile aux oiseaux.
D’autres envisagent qu’une flèche sableuse serait venue barrer l’estuaire de l’Eyre en venant du sud et que les bancs actuels et l’ile aux oiseaux en constitueraient les restes.
Certains auteurs affirment que l’ile n’est que le résultat de la mise en place de bancs de sable et de vase dans l’ancien delta de l’Eyre.
Les débuts de l’occupation de l’île
La carte de Claude Masse de 1708 est la première représentation exacte de l’ile, même si son aspect est très éloigné de celui que nous connaissons aujourd’hui. On y voit « l’île de la Teste » avec deux cabanes et une fontaine d’eau douce. En 1714, elle est entièrement submergée.
En 1733, Claude Masse note :« Il se trouve au milieu de cette mer [d’Arcachon] une île qui n’est pas fort spacieuse et qui s’inonde dans les grandes malines. Il n’y a que deux cabanes et quelques vaches [...] Il y a dans cette île de l’eau douce ce qui est très commode pour les pasteurs... »
Avant 1820, le territoire de l’ile a été commun à tous les habitants des bords du bassin, qui en usaient aussi librement que du Bassin même, et y envoyaient leurs bestiaux sans rétribution aucune. Le Captal de Buch qui, en 1742, avait semblé vouloir s’en emparer, renonça bientôt à cette prétention.
En juillet 1830, lors de la révolution de juillet, André Rebsomen, d’après des renseignements qui lui furent fournis par l’arrière petit fils du Vicomte de Curzay, raconte que celui-ci, alors préfet de la Gironde, fut violemment pris à parti par les insurgés. Après avoir été soigné, il fut conduit en dehors de Bordeaux par le fils de M. Galos, amené à Arès et de là transporté à l’ile aux oiseaux par François Legallais.
A l’époque, l’île n’était habitée que par l’unique gardien des troupeaux de vaches et de chevaux qu’on y lâchait en liberté ; elle n’était pas fréquentée et constituait certainement un asile sûr.
L’île aux oiseaux devient en 1820 (1827 ?) propriété domaniale de l’État qui l’afferme moyennant une somme peu considérable, et le fermier loue ensuite le pacage, qui est très bon, soit pour engraisser les bestiaux, soit pour les rétablir quand ils sont malades. Il existe sur l’ile une maison de gardien et un puits artésien qui débite suffisamment d’eau pour servir d’abreuvoir.
La chasse aux oiseaux est libre, pendant toute l’année, sans rétribution aucune : mais la chasse aux lapins est un des revenus du fermier. La rétribution est fixée à 1 franc quand on tue un lapin, 50 centimes quand on le manque : on rapporte que le garde reçoit beaucoup plus de pièces de 50 centimes que de pièces de 1 franc, et que plus il vient de chasseurs sur l’île, moins la quantité de lapin semble diminuer. L’ile aux oiseaux dépend de la commune de La Teste, mais fait partie de la paroisse d’Arcachon.
Le développement de l’ostréiculture
Les années 1860 sont marquées par l’épuisement des bancs naturels d’huîtres du bassin et le développement de l’ostréiculture. L’empereur Napoléon III encourage la création de parcs expérimentaux à Lahillon, au nord-est de l’île aux oiseaux. Les premiers ostréiculteurs sont des marins : il faut être inscrit maritime pour obtenir une concession. Les parqueurs édifient de sommaires cabanes sur le domaine maritime de l’ile.
Le 28 octobre 1882, les effets conjugués d’une grande marée et d’un fort coup de vent de sud-ouest entrainent des conséquences catastrophiques sur le bassin. La tempête tourne au drame sur l’île aux oiseaux : c’est un jour de maline (grande marée) et les ostréiculteurs sont venus travailler sur les parcs. A marée haute, l’île est entièrement recouverte par la mer. Les parqueurs et leurs familles se réfugient sur le toit de cabanes trop fragiles pour résister longtemps à l’assaut des vagues. Un charpentier de la Teste tente alors de regagner Arcachon sur un radeau de fortune, mais il disparait dans la tourmente avec deux de ses compagnons. Les vaches et les chevaux qui pacageaient sur l’ile sont noyés, ainsi que tous les lapins.
Le lendemain matin, le chalutier Albatros et les autorités maritimes ramènent à bon port une quarantaine de rescapés hébétés. Ils ont vécu une nuit de cauchemar, dans l’eau et le vent, accrochés aux planches des dernières cabanes encore debout : une mère a pu sauver son bébé de six mois en le maintenant à bout de bras au-dessus des vagues pendant plusieurs heures.
La première cabane tchanquée et le début de la réglementation
La première cabane tchanquée est une cabane de garde-parc construite en 1883 par Martin Pivert. D’autre gardes s’installent sur de gros pontons remorqués sur les parcs et qui contiennent logement et magasins.
> La véritable histoire de la cabane tchanquées n°53
En 1901, des « difficultés s’étant élevées au sujet des cabanes possédées sur l’ile aux oiseaux par de nombreux ostréiculteurs et pécheurs », le journal « Arcachon Journal » rappelle les principales clauses du bail à ferme de 17 novembre 1898 adjugé par l’Etat :
Art. 3 : le bail ne comprend aucune partie du domaine public maritime délimité par un décret du 8 aout 1855...
Art. 4 : Cette île se compose de pâturage et d’engrais. Le fermier en retirera les produits de toute nature et il aura le droit exclusif d’y chasser...
Art. 16 : L’adjudicataire ne pourra faire aucun travail tendant à élever le sol de l’île et à reculer les eaux à moins d’une autorisation de l’autorité compétente.
L’adjudicataire sera libre d’acheter ou de forcer à faire enlever les cabanes qui ont pu être établies par d’autres personnes sur le bord de l’île en dehors du domaine public maritime,...
Septembre 1910 : l’île est transformée en aérodrome suite à l’organisation du « cross-country Mérignac Arcachon ». Le journal « Arcachon Journal » du 18 septembre 1910 relate : « Dès le matin du mercredi, les rues de notre coquette cité présentaient un animation inaccoutumée. Chacun se promettait d’applaudir les exploits des audacieux pilotes qui se préparaient nombreux à venir planer sur notre merveilleuse baie et essayer de descendre à l’Ile aux oiseaux ou un champ d’atterrissage avait été préparé.. »
1924 : creusement du puit artésien à 114 m de profondeur.
Août 1925 : le déclin constant des revenus du pacage, le développement du tourisme incitèrent l’État à privatiser. L’île est divisée en parcelles égales, un bornage est établi. La vente aux enchères de 41 ha 49 a 41 ca a lieu le 24 août 1925. Des particuliers se portent acquéreurs. Richard Saiz, industriel bordelais, Henri Blanchard, propriétaire à Créon, Henri Cameleyre, armateur à Arcachon, Jean-Paul Baumartin, exploitant forestier, industriel du bois qui avait la passion des îles (il avait été propriétaire de Fort Boyard) sont parmi les premiers acquéreurs. Ces hommes dynamiques ne tardèrent pas à se grouper à l’initiative de Jean-Paul Baumartin qui voyait loin. Un société est créée, des projets de creusement d’un chenal sont élaborés. Heureusement, le projet ne verra pas le jour. Les ayant-droits de Jean-Paul Baumartin majoritaires dans la société se feront au contraire un devoir de préserver l’île.
En 1932, lors de la transformation de la société de l’ile aux oiseaux, société civile immobilière, en société anonyme, l’imprimerie Oliveau de Bordeaux a créé une des plus belles actions françaises que s’arrachent les collectionneurs de titres anciens.
Aujourd’hui
L’île aux oiseaux accueille aujourd’hui cinquante-trois cabanes occupées de façon intermittente. L’une d’elle, la cabane tchanquée n° 53, est gérée par la mairie de la Teste-de-Buch. Réhabilitée en 2008, elle est destinée à devenir un espace muséographique.
L’île accueille également quarante-et-une tonnes et une dizaine de paires de pantes à alouettes.